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  • Photo du rédacteurChococassis [Darkside]

L’Histoire de mes pensées - Miwe Neftal


Ce soir-là, on m'avait demandé de raconter des histoires... Des histoires...

Ça fait longtemps que je n'ai plus raconté une histoire...

Ma première fois que l'on me l'avait demandé c'était pour l'inauguration de la grande salle duconservatoire des Bard's lament et ce fût la seule fois.

Jusqu'à maintenant !

Je me rappelle qu'on m'avait demandé une aventure pour un hypothétique barde, les esprits m'ont demandé de mettre en garde les gens face à la puissance de la nature. Les gens ne doivent pas oublier. La nature ne se laisse pas faire.

Mais quand je regarde autour de moi, je regarde mes voisins de Lavandière faire du "jardinage", je regarde le temps passé via la nature, les jardins fleuris au couleur chatoyante s'estompent et laisse place à la venue de l'automne. Et puis, ça tombe bien, le salon de thé a un thème floral! Mon histoire est toute trouvée!

 

Le petit bassin se prenait pour une rivière, l'eau dévalait la pente aménagée de pierres bleues. Les plantes aquatiques étalaient leur fraîcheur, pointait un nénuphar rose orangé entre leurs touches vertes. L'eau zébrait de trois coups de poissons rouges, comme des pinceaux dans l'eau vive. Vibrait l'air de légèreté. Les uns patinaient sur le miroir, les autres, feuillets iridescents, oscillaient de tige en tige, et tout près butinaient les papillons, comme des pétales ailés dans ce coin de fleurs sauvages.


Sauvage, le petit carré de fleurs accolé au bassin ne l'était pas tout à fait, puisqu'une main pleine d'espoir y avait semé des graines à la volée pour égayer le ciel. Un printemps pluvieux avec un brin de soleil et un été plus que vieux – on aurait dit l'automne – ont fait jaillir mille couleurs dans ce petit phénomène. Ça poussait par vagues pastel ou bien crayonnait vivement comme un enfant qui aurait mis trop de bleu, de rouge et de jaune sur son dessin, jusqu'à casser la mine. Un mélange où débordait le regard, ça coulait à flots de magie, tout juste si les pieds restaient sur terre. Il y aurait de la vie, promettaient les mots sur le paquet de graines, jusqu'à la fin.


Azeyma est arrivé avec des brassées de fleurs fanées et de feuilles fatiguées. L'été jouait la fête de la Commémoration comme si de rien n'était, pas même un mot d'excuse pour les vacanciers tout pâles, leurs valises énervées d'avoir si peu sorti les bermudas fleuris aux Feux de la mort. Dans le petit bassin, le temps s'égrenait au hasard, les reflets des fleurs hautes ondulaient avec le bleu du ciel et quelques flocons de nuages, le nénuphar nain flottait vers son voyage immobile, les poissons rouges semblaient jouer comme des gamins.


Chaque soir avant de fermer le volet de la chambre, la semeuse regardait le jeu des ombres et des couleurs, épiait le ballet des oiseaux se désaltérant ou prenant leur bain avec sérieux. Elle regardait ce silence avec insouciance. Pas tout à fait... si la miqo'te aux cheveux vermillon passait par là, l'alerte était donnée par le vieux guetteur posé sur la palissade, et soudain s'envolait la volée d'un frôlement d'air, échappant aux griffes de la chasseuse. Les jours passaient et se ressemblaient à quelques tonalités près ; le ciel était le peintre. Ses voiles de coton épongeaient le soleil, parfois elles s'effilaient ou bien même filaient sous d'autres horizons, laissant ainsi les rayons libres d'arroser à grand seau le jardin, jusqu'au jour où…


Cauchemar en vert !


Sans prévenir, la lame trop gourmande a rasé l'îlot de fleurs à demi fanées, ne laissant pas même la paille pour égayer la terre couleur poussière. Le carré rendu chauve de ses fleurs, le bassin ne refléta plus alors que l'hiver. Trop tôt se dit la main verte qui hier encore cisaillait doucement les tiges fanées pour en faire un paillage au potager, en épargnant avec soin celles qui pointaient encore fièrement leurs têtes.


Le jardinier armé de ses lames si bien affûtées, responsable de ce crime floral, a passé un sale quart d'heure, sans vraiment comprendre au fond quelle furie verte lui tombait dessus... Après tout, ça repoussera au printemps prochain cette lubie de fleurs, se dit-il.


Clac ! clac ! clac ! Les lames qui coupent l'éphémère en petits carrés de couleurs.

 

Puis je vois mon bien-aimé, il est venu me voir en plein concert, ça m'a illuminé ma soirée. J'étais toute stressée pour cette soirée mais le voir me transporte toujours dans un bonheur inconditionnel. J'enchaîne les musiques douces jusqu'à devoir raconter l'histoire suivante.


L'histoire suivante...

Comment elle m'est venu...

Cette voix...


« Suvjê twa də ki ty εs »


Mon enfance... ce vieux clan qui vénère la lune rouge...


« Sâ draɡô vèr‿ jö mâtâty suvjê twa də ki ty εs »


Leur amour ne devrait pas aller à cette fausse lune mais à la vrai lune.

C'est ça...


« Suvjê twa də ki ty εs »


Je vais montrer ce qu'est de vénéré un vrai dieux, l'un des douze, Menphina.

 

En tout temps, la lune a été la fidèle compagne du voyageur nocturne. Alors quand elle disparaît, le barde se sent bien seul. Et il se sentait plus seul que jamais.


Déjà trois semaines que l'éclat lumineux boudait son Thavnair natale et la caravane du Radz-at-Han, la contraignant à l'immobilité en dehors des heures du jour. Les premières nuits, sous les étoiles, le jeune homme s'empêchait de plonger dans le sommeil, désireux de ne pas manquer le retour triomphal de la lune éclatante. Mais plus les jours s'égrenaient, plus le barde sentait sa confiance s'étioler. Il fixait les étoiles et cherchait dans les constellations le soutien d'une essence manquante, mais nul astre ne pouvait subroger le réconfort d'une lune chatoyante. Il s'assoupissait à contrecoeur, rêvait de la grande veilleuse suspendue, lui ouvrait les bras, lui chantait des louanges, la priait de revenir, la suppliait même, mais il se réveillait chaque fois en sueur à chercher de ses yeux ébahis l'éclat familier, en vain.


Autour de lui, son père persistait à apprêter les bêtes, répétant les mêmes gestes que lui avaient enseignés son propre père et son grand-père avant lui, mais sans plus siffler, les yeux baissés, le dos voûté. Les mêmes odeurs s'échappaient des larges plats en terre, mais les flammes crépitaient avec moins d'intensité. Même les animaux se taisaient lorsque le ciel se drapait de teintes sombres, terrés sous les chariots, les museaux contre les roches. De rires et de chants, d'épices et de couleurs, la caravane devint bientôt une pâle copie d'elle-même ; un grain de sable ordinaire perdu dans l'immensité des montagnes.


Un soir qu'il fixait les sommets, le barde prit la décision de partir : si du fond de la vallée, la lune ne l'entendait pas, peut-être qu'en escaladant les monts, sa voix porterait plus loin. Armé d'une confiance nouvelle, le garçon quitta le cocon rassurant aux premières lueurs du jour et s'enfonça dans les montagnes. Avec pour unique objectif: la lune, il posa dix mille fois le pied contre les roches gorgées de soleil et escalada à s'en faire saigner les paumes.

Le jour, le jeune homme se sentait invincible et les obstacles lui semblaient dérisoires. Mais la nuit, il ne pouvait dire qui de l'obscurité ou du froid le faisait le plus frissonner. Dès que les lueurs solaires disparaissaient derrière les montagnes, il se terrait au pied de gigantesques forêts de monolithes. Lorsqu'il le pouvait, le jeune rêveur admirait sa destination, la lune, qui se détachait sous le ciel étoilé. Il lui fallut quatorze soleils pour rejoindre le sommet.

Le premier soir, le barde manqua de s'étouffer devant la beauté des monts lorsque l'orange

crépusculaire étendit son éclat sur les falaises. Puis la nuit le prit par surprise. Il en resta pantois. Il avait tant chanté, tant loué qu'il ne savait que dire. Quels mots devait-il lancer au vent pour témoigner à la lune toute sa reconnaissance ? Seul dans l'obscurité, l'homme y pensa jusqu'au petit jour sans pouvoir se décider.


Les mois succédèrent aux années et les poèmes du barde s'attendrirent. Il louait la lune le jour, lui

contant des futurs éclatants, puis se taisait dès l'obscurité, désabusé de ses mots légers.

Un soir pourtant, le barde, les deux pieds dans le vide, contemplait le feu du crépuscule s'évanouir

au profit des étoiles. Le jour exténué lançait ses dernières lueurs quand la lune apparut. Drapée

d'une élégante blancheur orangée, elle s'élevait, indifférente à son sourire. Les gouttes d'étoiles

vacillantes s'écartaient avec déférence, le ciel offrait son plus beau noir et tout la montagne

retenait son souffle. Le barde aussi. Des vers se bousculaient dans sa tête, des dizaines et des

dizaines de mots envahissaient sa bouche, mais aucun ne le satisfaisait. Pourtant le musicien, pour

la première fois depuis des années, ne tremblait pas.

L'éclatante lueur rendait vivante la moindre roche, elle embrassait les monts sans distinction,

faisait fuir la noirceur. Il sut alors qu'aucun mot ne pourrait traduire ses sentiments. Mais déjà la

belle s'évanouissait dans les premières langues du matin, échappant presque au regard désespéré

du barde qui hurla brusquement : « Je t'aime ».

La lune se retourna. Elle souriait.

 
C'est ainsi que ses deux contes me sont venus.
J'espère que les gens ont aimé. Mais je doute qu'ils connaissent les intentions derrière chaque histoires.
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